Amos Oz
Traduit par Sylvie Cohen
Grasset, 2021
Dans un court texte, le grand écrivain juif Amos Oz (1988-2018) revisite à nouveau le personnage de Judas, universellement reconnu comme « la figure emblématique du traître, un individu infâme, ignoble, infâme, méprisable » . Pour ce faire, il explique comment il a « appris à aimer Jésus » qui n’était pas chrétien, mais un « juif réformateur » que tout Jérusalem connaissait. Selon des sources chrétiennes, Juda n’était pas « un misérable pêcheur de Galilée, au contraire des apôtres, mais un riche propriétaire terrien, originaire de Judée » qui croyait fermement « en la divinité du Christ, en sa mission de Rédempteur , de Sauveur, de Messie » . Alors pourquoi se ferait-il payer la modeste somme de trente sicles pour vendre son maître et héros ? Judas livre son rabbi aux Romains pour hâter l’avènement du Messie et se suicide de désespoir lorsque ceux-ci arrêtent Jésus pour le crucifier. Cette qualification de Judas comme traître « dans les Évangiles fut le Tchernobyl de l’antisémitisme chrétien » , ce qui a fait « des dizaines de milliers de victimes innocentes et empoisonne les relations entre juifs et chrétiens depuis plus de deux mille ans ». Amos Oz pense « qu’un éditeur digne de ce nom aurait dû supprimer cet épisode des Évangiles, un appendice inutile au déroulement de l’histoire ».
Que toute sa vie, Amos Oz ait été accusé d’être un traître fait de son texte une défense inattaquable et brillante.
Traîtresse, Delphine Horvilleur est souvent accusée de l’être à la tradition « en osant porter le titre de rabbin », au féminin qui devrait être relégué à la sphère domestique, au sionisme. Dans une très belle et émouvante préface, elle converse avec le défunt en lui exprimant son affection profonde et tout ce qu’elle lui doit humainement, philosophiquement et politiquement. Elle conclut que « ceux qui nous accusent de traîtrise ne toléreront jamais cela, la polyphonie des mondes et des incertitudes qui les sauvent ».